Lucian Freud

“Je veux que la peinture soit chair”


Les modèles nus sont vus dans des ateliers désolés – en fait l'appartement vide où travaille le peintre –, sur des lits ou des sofas défoncés dans des poses inhabituelles et avec des attitudes crues. Aucun détail n'est caché. L'éclairage de la scène est souvent électrique, et on remarque des « coups de blanc » sur les chairs des modèles peints qui renforcent la sensation d'éclairage artificiel.



Peindre pour Freud est un long processus d’exposition d’un sujet à sa propre vue. Un tableau peut facilement l’occuper pendant une ou deux années, durant lesquelles le modèle doit s’exposer une à deux fois par semaine. Cette démarche confirme ce qui se trame entre le modèle et le peintre. Une liaison intense, sorte de télescopage forcé de deux subjectivités amenées à se rencontrer autour du tableau.
Les interminables séances se répercutent dans l’ennui ou la fatigue dont témoignent souvent les modèles. Épuisés, endormis, souvent allongés, ils attestent de la pénibilité de la tâche qu’ils supportent.
Les modèles sont souvent des parents ou des amis. Sous cet angle le portrait acquiert sa véritable signification de représentation de la personne. Il ne s’agit pas d’une image quelconque de la forme générique du corps humain, mais d’un véritable portrait.



Biologiste, il l’est aussi dans sa façon de dénuder l’homme de son déguisement social et de ses artifices psychologiques. Dans son devenir animal, l’homme livre son identité profonde. L’animalité n’exprime pas un mépris de la spécificité humaine ; elle sert à la définir. Elle est là, dissimulée sous ses vêtements, dans ses rêves et ses désirs.
Lucian Freud n’aime pas les parallèles avec la science de son grand-père, mais il est difficile de ne pas voir dans l’usage qu’il fait de l’animalité une référence à la libido.